En République de Guinée, la musique est une affaire d’État. Dès l’indépendance est créée une fonction publique de la musique, mise au service du projet culturel ambitieux du président Sekou Toure. Les musiciens fonctionnaires sont déployés dans toutes les régions de la Guinée afin d’en collecter le patrimoine immatériel. S’ensuit l’émergence de ballets et de grands orchestres qui vont exporter la musique guinéenne dans le monde. De cet âge d’or découle une puissante identité nationale avec comme vecteur principal la musique. Cette Guinée forte et indépendante s’effacera peu à peu du paysage international, laissant un héritage local indéniable. À Conakry, la capitale, les musiques traditionnelles se mêlent à d’autres styles plus urbains. Dans ce melting-pot nait une nouvelle génération d’artistes ancrée dans une tradition artistique forte et portée par des influences venues d’ailleurs. PAM vous propose de découvrir 5 morceaux d’artistes guinéens à suivre.
King Alasko – « Don Dada »
Originaire de la commune de Dixinn, à Conakry, c’est par l’intermédiaire de la danse que King Alasko s’intéresse à la musique. Sa belle voix séduisant son voisinage, il se lance dans le chant, inspiré par des figures telles que Bob Marley ou encore Takana Zion. Après plusieurs tubes, il remplit l’emblématique esplanade du Palais du Peuple, à seulement vingt-deux ans, lorsqu’il sort son premier album Allah Nou Wali. Cette prouesse l’installe dans le paysage guinéen comme figure phare de la nouvelle génération. Dans le clip Don dada, King Alasko procède à son intronisation. Soutenu par son armée de ghetto Youth, sur un rythme chevronné, il cite à la fin du morceau toutes les communes de Conakry : Dixinn, Matam, Kaloum, Ratoma et Matoto. Le king assure l’avenir du dancehall guinéen en combinant les codes de ce style musical, issu de la Jamaïque, avec des instruments guinéens tels que la flûte ornant le morceau : « C’est moi qui compose, qui chante, qui parfois même arrange mes sons. Je me suis dit que c’est un don de Dieu. Ce n’est pas donné à tout le monde. Chanter c’est une façon de remercier le Tout- Puissant pour sa grâce et tout le succès qu’il m’a donné. »
On attend avec impatience son album Champion Youth, à travers lequel il compt envoyer un message positif à la jeunesse guinéenne. Chère à son coeur, il compte bien la représenter à l’international : « C’est un objectif bien déterminé pour moi d’être positif dans ma musique parce que je sais qu’il y a beaucoup de jeunes qui me suivent. D’une jeunesse épanouie résulte forcément le développement d’une nation. »
Voir aussi : son album Allah Nou Wali, son concert à l’Esplanade du Palais du Peuple.
Thiird – « Dakhouiya »
Thiird est incontestablement l’une des têtes d’affiche de la drill guinéenne. Ancien membre du trio Gnamakalah, le patron du NMI Gang s’était déjà démarqué en solo grâce au freestyle Éclipse solaire, sorti en 2020 : « Quand j’ai sorti mon son éclipse solaire, les gens ont grave kiffé cette facette de moi : le thug qui rap en langue. C’était le tout premierson que je sortais dans lequel je rappais presque entièrement en soussou. Maintenant tout le monde rappe dans les langues locales. Le rap guinéen a changé, si tu ne rappes pas en langue, tu n’es pas écouté ». Il décide donc de creuser cette voie et se reconnaît dans les sonorités de la drill : « Quand j’écoute de la drill c’est comme-ci j’entendais des tams- tams. J’ai envie de danser le sabar, ça m’emmène directement dans l’ambiance guinéenne. » Ainsi, dans toutes ses instrumentales, Thiird ajoute des percussions guinéennes afin que sa musique épouse sa perception. Le son Dakhouiya, signifiant « folie » en soussou, nous donne une leçon d’égotrip à la guinéenne.
Voir aussi : son freestyle « Éclipse Solaire » avec le groupe Gnamakalah.
Soulby THB – « 25 »
Soulby représente cette diaspora qui vit entre deux mondes. Fan de rap depuis petit, l’écriture devient un exutoire lorsqu’il s’installe à Bruxelles à dix-sept ans : « Nos parents là-bas ne savent pas ce que c’est de venir en Europe et de vivre seul quand tu es jeune. Là-bas, ils ont toujours été en famille. Certaines personnes, pour pouvoir oublier leur réalité, s’évadent à leur façon. Il y en a qui se mettent à boire, d’autres à fumer, moi c’était l’écriture, c’était le son. » On cet attachement à l’écriture aux mots acérés que grave sa plume percutante. Dès 2017, il attire l’attention à l’aide de ses punchlines dans des freestyles postés sur les réseaux sociaux. Ses premiers projets, entre égotrip et textes engagés, tantôt sur des beats agressifs, tantôt sur des mélodies mélancoliques, nous offrent un voyage introspectif. Dans ce nouveau son; “25”, on retrouve Soulby dans une atmosphère plus légère. Lancé par un hurlement de loup, son emblème, celui qui se prénomme le chef de la meute, reprend le contrôle et compte atteindre les sommets en équipe. Prémices de son nouveau projet à venir, dans la lignée artistique de son single drill « PAS2DIOR » qui fit le le buzz en 2021. Son but est de tout boulervser mais en gardant les textes pointus qui ont, depuis ses débuts, fait son identité : « Même quand je m’enjaille, j’essaie de faire en sorte que ce que je dis soit qualitatif ».
Voir aussi : la vidéo lyrics de PAS2DIOR.
Ÿudini – « C’est Normal » ft Soulby THB, Limo, Diop Souaré & AK4SEVEN
Le DJ et producteur Ÿudini réunit le gratin des artistes urbains guinéens basés en Europe dans « C’est normal ». Cette collaboration avec Limo, Soulby, Diop Souaré et AK4Seven est la célébration du travail acharné que mène la jeunesse guinéenne pour aspirer à un futur meilleur. Limo clame dans le pré-refrain : « on n’a peur de rien » en langue soussou, suivi de « si on est là, c’est normal » dans le refrain, pour rappeler qu’ils doivent leur ascension à la sueur de leur front. C’est d’ailleurs ce que Diop Souaré dénonce en troquant la devise de la nation : « Travail-Justice- Solidarité » par « Discipline-Travail-Force ». Une façon d’insister sur le quotidien d’une jeunesse livrée à elle-même qu’il incite à ne pas se décourager et à être autonome, malgré l’instabilité politique. En ce sens, le clip, sorti le 2 octobre dernier, soit le jour de l’indépendance, se termine par un extrait du fameux discours du 25 août 1958 de Sekou Toure. Un clin d’œil symbolique pour marquer un nouveau tournant et inviter la jeunesse à reprendre son destin en main comme le souligne Ÿudini : « Selon nous, il est important qu’on devienne autonome et qu’on arrête d’en attendre de l’État. Notre but à nous qui avons pu avoir une certaine ouverture d’esprit, c’est d’essayer de montrer aux autres que le monde est beaucoup plus grand que cela. »
Voir aussi : « Tombé pour elle » de Limo, « Kanda Kolo Kolo » de Diop Souaré, « Alpha Beth 3 » de AK4SEVEN.
Soul Bangs – « Souli Souli »
Malgré son jeune âge, cela fait désormais dix ans que Soul Bang’s compte parmi les artistes ayant le plus impacté le pays.Dans son nouvel album Evolution II, il explore les musiques afro-urbaines avec comme socle l’identité guinéenne et la diversité de ses langues locales (Soussou, Malinké, Peul) sans oublier les instruments du pays. Toutefois, il a préservé son ADN rnb, celui-là même qui a fait de lui un des pionniers de la nouvelle génération d’artistes guinéens : « Je définis ma musique comme un pont. Je reste toujours un chanteur rnb qui explore d’autres horizons. ». Ce parfait équilibre nous a conquis dans la chanson « Souli Souli » ouvrant le projet. Un mélange innovant au moyen d’une juxtaposition subtile de percussions, notamment le balafon, et de mélodies aériennes jouées à la kora. Son chant reprenant les codes classiques du rnb nous plonge dans une expérience soulful. Evolution II regorge de pépites insoupçonnées à l’instar de Ndöni, inspiré de l’amapiano, Hala Hala, Gui Boron ou encore I keren, sur lequel Stevie Wonder joue de l’harmonica.
Voir aussi : « Khouï », avec les rappeurs de la nouvelle scène : Dépotoir (groupe), Straiker et Le Mélangeur.
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