novembre 22, 2024
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Jorge Ben, le foot mas que nada


Elles sont devenues virales sur TikTok. Mi baile funk, mi pagode, les chorégraphies effectuées par la Seleção lors de la Coupe du Monde au Qatar rappellent ô combien, s’il en était besoin, samba et football sont indissociables. Nombreux sont d’ailleurs les Brésiliens à avoir chanté leur passion pour le ballon rond, mais s’il y en a un qui domine ses adversaires de la tête et des couplets, c’est bien Jorge Duilio Lima Menezes, alias Jorge Ben.

Le natif des quartiers nord de Rio connaît son sujet. Lui qui se rêvait footballeur intègre dans son enfance l’équipe junior du Flamengo, le club de foot le plus populaire de la ville, le Mengão, dont il reprend l’hymne immortalisé par Lamartine Babo, et auquel il clame haut et fort son attachement irréductible dans le fameux País Tropical : Eu tenho um fusca e um violão, sou Flamengo e tenho uma nêga chamada Tereza (j’ai une coccinelle et une guitare, mon club c’est le Flamengo et ma copine s’appelle Tereza). Un titre composé en 1969 pour l’album de tous les hits (País Tropical, Que Pena, Charles Anjo 45, Take it Easy My Brother Charles, etc) et à la pochette psychotropicaliste sur laquelle le fanion du club orne la guitare du carioca.

La fidélité de Jorge Ben pour le Flamengo est omniprésente dans sa discographie, jusque dans A Tábua da Esmeralda, son album le plus mystique lancé en 1974, et le titre Eu vou torcer (je vais supporter). Elle doit beaucoup à son crack Zico, le numéro 10 par excellence, dont il décrit avec précision les réflexes, les dribles stupéfiants et les tirs malicieux dans le formidable Camisa 10 da Gavea. sur África Brasil en 1976. C’est ce qui fait la différence : au Maracanã qu’il fréquente assidûment, Jorge Ben nous fait vivre le foot de l’intérieur. Dans les gradins, auprès des supporters dont on ressent durant l’action le rythme cardiaque qui s’accélère, mais surtout sur le terrain, en suivant les joueurs tout au long de la partie, tel un commentateur s’enflammant au moindre de leurs mouvements, allant jusqu’à discuter les décisions de l’arbitre, comme dans Cadê O Penalty (où est le pénalty), extrait du sous-estimé A Banda Do Zé Pretinha de 1978.

Le morceau Fio Maravilha, surnom donné à João Batista de Sales, artificier du Flamengo qui combinait inspiration, émotion et explosion devant le but, est en cela, un modèle du genre. Le match est amical et oppose le Flamengo au Benfica de Lisbonne. On est à la 33e minute de la deuxième mi-temps, 1 partout entre les deux équipes, la situation semble figée lorsque soudain l’attaquant vedette trouve la faille, drible de façon imprévisible les défenseurs un à un, puis le gardien portugais, et marque. Du grand art. La chant se finit dans les tribunes avec l’exaltation des supporters rouges et noirs qui remercient le buteur et qui en redemandent : Fio Maravilha, nos gostamos de você, Fio Maraviha, faz mais um pra gente ver (Fio Maravilha nous t’aimons, Fio Maravilha fais-nous en encore un autre).

Avec Jorge Ben, chaque poste est honoré : l’avant centre qui mouille le maillot et que toute la ville vient voir jouer dans Ponta de Lança Africano (Umbabarauma), encore sur África Brasil, mais aussi l’arrière, « l’ange gardien de la défense » pour qui la chanson Zagueiro, en ouverture de l’album Solta O Pavão (1975), n’est qu’une suite de précieux conseils : Zagueiro tem que ser malandro / Quando tiver perigo com a bola no chao / Pensar rápido e rasteiro / Ou sai jogando ou joga bola pro mato / Pois o jogo é de campionato (Un défenseur doit être filou / Quand il y aura danger avec la balle à terre / Penser vite et à ras de terre / Ou sortir ou dégager / Parce que c’est un match du championnat).

Dans son album 23, en référence au 23 avril, fête de la Saint Jorge, le musicien, rebaptisé Jorge Ben Jor depuis 1989 pour ne plus être confondu avec George Benson, adresse cette fois au gardien de but ses précieuses recommandations : Eu vou lhe avisar / Goleiro não pode falhar / Não pode ficar com fome / Na hora de jogar / Senão um frango aqui, um frango ali, um frango acolá (Attention / un gardien ne peut pas échouer / Il ne peut pas avoir faim / Au moment de jouer / Sinon, une erreur par ici, une erreur par là, une erreur ici et là) – Goleiro (Eu vou lhe avisar). Pour Jorge Ben, c’est clair, le savoir prime sur le geste technique. C’est l’action devant le but et sa réalisation qui révèlent l’âme du joueur et ses qualités, y compris spirituelles.

Finalement, pour le carioca, peu importe que l’on joue dans un club de Rio, de São Paulo ou à l’autre bout du Brésil. Pour faire partie de sa Seleção, il faut d’abord être un adepte de la beleza, du beau jeu, donner la chair de pool aux supporters ou marquer l’histoire en faisant vibrer un stade tout entier ; tel Falcão, prodige de Porto Alegre passé à l’AS Roma, lors de la mémorable Coupe du Monde de 82, pour lequel il composa l’année suivante et en italien per favore un titre oublié de tous : L’Ottavo Re Di Roma. « J’ai toujours aimé aller au stade pour voir de grands joueurs, reconnaît-il dans un interview à TV Cultura en 1995. Des cracks, de bons milieu de terrain, des super gardiens, même s’ils ne font pas partie de mon équipe favorite. » 

Il faudra toutefois attendre 2004 et Reactivus Amor Est (Turba Philosophorum), son dernier album studio à ce jour, pour que le samba rocker vieillissant ose enfin s’attaquer à l’idole de toute une nation, le Roi Pelé, disparu fin décembre 2022. Le résultat est hélas peu convainquant et se contente de passer en revue une carrière inégalée, comme si la barre transversale était cette fois trop haute pour pouvoir vraiment cadrer. O Nome do Rei é Pelé se résume à une série de chiffres +++ et à une énumération dans toutes les positions des performances qui ont fait du gamin de Minas Gerais le footballeur le plus vénéré de toute l’histoire du ballon rond.

Mete Goal, le tout dernier titre en date de Ben Jor lancé sur les plateformes en 2018, montre à quel point ce ballon s’est imposé tout au long de la carrière du maître du swing. Personne d’autre que lui n’aura aussi bien capté la tension capable de transformer une partie de football en pure extase, y compris dans les moments qui précèdent le pénalty. Sèchement éliminée aux tirs au but en quarts de finale, la Seleção avait manifestement oublié tous ses conseils.

Jorge Ben et le footballeur Pelé





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