L’organisation non gouvernementale internationale, Human Rights Watch a, dans une communication faite ce mardi 02 mai, invité le parlement de la République démocratique du Congo à rejeter la proposition de loi Tshiani, qui selon elle, pourrait être utilisée par les autorités congolaises pour exercer une discrimination contre certains citoyens congolais en raison de l’origine nationale de leurs parents.
Pour l’Human Rights Watch, cette loi empêcherait tout congolais dont l’un des parents n’est pas d’origine congolaise d’accéder à la fonction présidentielle et aux postes à responsabilités au sein des institutions.
« L’examen de cette proposition de loi au cours d’une année électorale renforce les craintes que les autorités ne l’utilisent pour empêcher certaines personnes de se présenter aux élections, en violation des protections juridiques internationales relatives à la participation démocratique et à la non-discrimination », a avancé cette ONG dès l’entame de sa communication.
La directrice adjointe à la division Afrique à Human Rights Watch, Carine Kaneza Nantulya, a fait savoir que les autorités congolaises pourraient facilement « se servir de la loi Tshiani », si elle était adoptée, pour empêcher « illégalement » des citoyens congolais d’être candidats à des fonctions politiques. Selon elle, en plus d’être « discriminatoire », l’adoption de cette loi pourrait présager une nouvelle vague de « répression et de violences ».
Human Rights Watch a rappelé que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, traités auxquels la République démocratique du Congo fait partie, garantissent à chacun une protection égale et effective contre toute discrimination fondée sur l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique ou toute autre situation.
« La proposition de loi Tshiani est largement perçue comme une tentative d’écarter Moïse Katumbi, qui dirige le parti d’opposition Ensemble pour la République et est considéré comme l’un des adversaires potentiels du président Félix Tshisekedi à l’élection présidentielle qui doit avoir lieu en décembre 2023. Katumbi, homme politique et homme d’affaire congolais, et ancien gouverneur de la province du Katanga dont le père est grec, a annoncé en 2022 sa candidature à la présidence », a expliqué Human Rights Watch.
La loi Tshiani, une proposition de loi « controversée »
La proposition de loi Tshiani, portée à l’Assemblée nationale par le député Cerveau-Pitshou Nsingi Pululu a été présentée pour la première fois en juillet 2021, avant d’être retirée après avoir suscité de nombreuses controverses et objections. Depuis mars dernier, elle est désormais inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, qui pourrait en débattre au cours de son actuelle session ordinaire de trois mois, qui s’achève dans un mois.
Si dans le cadre du jeu démocratique, la majorité rangée derrière l’actuel Chef de l’État, semble ne pas s’inquiéter de cette proposition de loi, la société civile et l’opposition quant à elles, continuent à n’accorder aucun crédit à cette proposition de loi et ne veulent pas qu’elle soit traitée à l’Assemblée nationale.
Pour rappel dans une déclaration datant du 05 avril dernier, l’organisation non gouvernementale la Voix des Sans Voix (VSV) avait déclaré que cette proposition de loi serait utilisée pour exclure certaines personnes de la compétition politique et que le Parlement devrait la rejeter pour « éviter des tensions politiques susceptibles d’occasionner des violations des droits humains ». L’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice a quant à elle déclaré que la loi « risque de générer des frustrations et d’éventuelles violences ».
Trois jours seulement après cette prise de position de la VSV, c’était au tour de l’église catholique de se positionner. Dans son message de Pâques du 08 avril, l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Fridolin Ambongo, a déclaré qu’ « un projet de loi sur la congolité, à la veille des élections, nous divise davantage qu’elle ne nous unit. Nous avons un urgent besoin des gestes et des lois qui rapprochent, plus que des actes et des dispositions qui nous dressent les uns contre les autres ».
Dans sa communication, Human Rights Watch a également rappelé la rencontre entre une délégation d’ambassadeurs de pays membres de l’Union européenne et le président de l’Assemblée nationale pour lui faire part de ses préoccupations concernant cette proposition de loi. Mais également le discours au Conseil des droits de l’homme des Nations unies en mars, de la cheffe de la MONUSCO, Bintou Keita, dans lequel elle a exprimé son inquiétude face à « la montée dans le discours politique de messages à relents xénophobes et racistes qui constituent un danger pour la cohésion nationale, la paix et la sécurité ».
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