La chanteuse Tshala Muana est décédée à Kinshasa, à l’âge de 64 ans. L’artiste aux 40 ans de carrière s’était fait connaître par son style qui puisait avant tout au folklore luba. C’est de là que vient le mutuashi, un rythme et une danse qui ont fait sa gloire.
Elisabeth Tshala Muana Muidikayi a rendu son dernier souffle samedi 10 décembre, dans un hôpital kinois. La chanteuse était l’une des figures de la musique congolaise, et fut parmi les rares femmes, dans un milieu dominé par les hommes, à atteindre un tel succès.
Remarquée comme choriste auprès de ses devancières Mpongo Love et Abeti Masikini, c’est en quittant le pays, volant de ses propres ailes et avec le concours de Souzy Kaseya, qu’elle va atteindre la renommée internationale. A Paris, mais d’abord à Abidjan qui la fera rayonner sur toute l’Afrique de l’Ouest. C’est d’ailleurs là qu’elle enregistre son tout premier album en son nom, justement baptisé « Tshala Muana ». Abidjan lui donne beaucoup, et elle le rend bien à cette ville qui alors est une plateforme pour nombre de musiciens congolais, alors très en vogue : elle enregistre d’ailleurs une chanson en l’honneur du pays d’Houphouët-Boigny, comme en son temps Tabu Ley avait enregistré « Bel Abidjan ».
Dans ses productions, qui traitent régulièrement des rapports homme/femme, comme dans le tube « Amina », elle s’inspire du folklore luba du grand Kasai dont ses parents sont originaires. Le mot Mutuashi, déjà apparu dans une chanson du Dr Nico en 1964, et bien sûr présent dans le répertoire des troupes folkloriques des Baluba, devient connu à l’international grâce à elle et à ses pas de danse suggestifs qui ouvrent grand les yeux des mâles mélomanes, et installent son image de femme forte, libre et autonome servant de modèle à ses soeurs en quête d’émancipation. Les chefs coutumiers du Kasaï l’intronisent même « Reine du Mutuashi » en 1991, et la chargent d’être l’ambassadrice de leur culture.
A Paris, elle se retrouve dans le tourbillon de la world music, tandis qu’au début des années 90, le Zaïre entre dans une crise sociale, politique et économique qui verra, in fine, la fin du régime mobutiste. Elle y collabora avec Ibrahima Sylla, notamment sur l’album « Mutuashi » paru en 1996, dont est issu le hit « Lekela Muadi ». C’est l’arrivée au pouvoir de Laurent Désiré Kabila en 1997 qui la fait rentrer au pays, et entrer en politique. Soutien du Mzee (« le Vieux », surnom du président) elle siège à l’assemblée législative et constituante du parlement de transition. Elle soutiendra par la suite Joseph Kabila, qui succèdera à son père, en enregistrant notamment des chansons de campagne pour son élection, puis sa réélection en 2011. Son engagement en faveur du parti présidentiel ne lui fera pas que des amis, au point de figurer sur la liste dressée par le mouvement des Combattants, qui en Europe empêchent les concerts des artistes collaborant avec le pouvoir.
Son tout dernier album, paru en 2009 a été publié chez Weedoo Music. Même si elle était moins active artistiquement ces dernières années, elle demeure néanmoins aux oreilles des mélomanes une référence de la musique congolaise, et une artiste qui s’est singularisée de l’empire de la rumba. Pour beaucoup, elle restera la « Mamu Nationale » (la mère nationale), que la maladie a emporté samedi dernier. Qu’elle repose en paix.
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