novembre 22, 2024
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Wayne Shorter, géant du jazz, n’est plus


Le compositeur et saxophoniste est décédé le 2 mars, à l’âge de 89 ans. Des années 50 à nos jours, il aura été l’un des maillons essentiels de l’histoire du jazz, dont il était peut-être le dernier aventurier. 

Celui qui s’était engagé dans la voie du bouddhisme a quitté son enveloppe terrestre et laissé ses saxophones ténor et soprano, et des dizaines de disques qui racontent un voyage guidé par la plus grande des libertés. Pour le natif de New Ark (dans la banlieue de New York) en 1933, ce grand voyage avait commencé en compagnie de son frère, avec lequel il se jeta dans la musique dans le sillage de la révolution  bebop, en formant les Shorter Brothers. Après deux ans d’engagement dans l’armée, il allait intégrer les fameux Jazz Messengers d’Art Blakey, imposant sa patte et ses solos avec une imprévisibilité constante.

Au point de devenir le chef d’orchestre des Messengers, avant de tenter une formidable aventure avec le quintet de Miles Davis (1964-68), auprès duquel il assumera le même rôle. C’est même lui qui présentera Coltrane au trompettiste, avant d’ouvrir un nouveau chapitre, toujours aux avant-postes de l’époque, en créant l’incroyable groupe Weather Report avec le claviériste Joe Zawinul. Un groupe qui sera son laboratoire quinze années durant, expérimentant dans toutes les directions (grooves funk, rnb, emprunts aux musiques traditionnelles, folie synthétiques, improvisation collective) croisant le sax avec d’immenses talents comme le bassiste du groupe Jaco Pastorius, le percussionniste Mino Cinelu et tant d’autres…

Shorter poursuit par ailleurs ses projets personnels, et enregistre, parmi une flopée de disques toujours aussi libres, le magnifique album « Native Dancer » (1975) avec le compositeur, chanteur et guitariste brésilien Milton Nascimento qui signe notamment le fameux titre « Ponta de Areia ». Quand Weather Report se sépare en 1986, le saxophoniste poursuit son chemin ponctué de récompenses – comme ce Grammy dix ans plus tard remporté pour son album en duo avec Herbie Hancock. Et bien que la vie lui impose de terribles épreuves (il perd sa fille, puis sa femme décède dans un attentat), il ouvre à l’orée des années 2000 un nouveau chapitre de sa vie, en formant un nouveau quartet – acoustique – avec Brian Blade (batterie), Danilo Perez (piano), et John Patitucci à la basse. Jusqu’au bout, ou presque, il aura composé, revenant après 15 ans d’absence en studio pour un album concept, Emanon (2018), qui accompagne un roman graphique de science fiction, comme un retour à l’un de ses premières amours, la bande-dessinée (il en avait dessinée une dans sa prime jeunesse). Une manière de boucler la boucle, et de prendre sa part à l’éternel recommencement.

Celui qui au soir de sa vie méditait sur notre faculté toute humaine à saborder l’humanité, et sur notre place dans l’univers, confiait à Jacques Denis ( dans le journal Libération) : « La vraie mission, selon moi, est celle que Mark Twain décrivait ainsi : « Les deux jours les plus important de votre vie son le jour de votre naissance et le jour où vous découvrez pourquoi ». De quoi prendre du recul sur la mort, qui vient de l’emporter.





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