Le monde célèbre en cette année 2023, le 30e anniversaire de l’institution par les nations unies de la journée mondiale de la liberté de la presse. Le thème retenu pour cette année est : » La liberté de presse comme moteur de tous les autres droits de l’homme. » En RDC, cette célébration coïncide avec la promulgation par le chef de l’Etat en mars dernier de la nouvelle loi sur la presse. Cette loi régule notamment les conditions d’accès au métier de journaliste et consacre la responsabilité pénale, civile et professionnelle des journalistes et autres professionnels des médias.(Dossier)
D’après le ministre de la Communication et Médias, Patrick Muyaya, la nouvelle loi sur la presse marque le premier pas de la marche vers la salubrité médiatique. Elle permet aussi de conformer le secteur des médias à l’évolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
En effet, la nouvelle loi a le mérite de circonscrire dans son premier titre, elle qui en a quatre, son champ d’application. Elle s’adresse aux professionnels des médias, c’est-à-dire, aux entreprises de presse, aux personnes physiques ou morales concernées par les messages audiovisuels et aux journalistes œuvrant dans un organe de presse en RDC.
La loi définie alors la liberté de la presse et les nouvelles prérogatives octroyées au Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication, (CSAC.) Celui-ci a désormais, la régulation des médias à sa charge. Par ailleurs, outre les dispositions légales pour la création d’une entreprise de presse, le second titre met en exergue les innovations. C’est la régulation de la presse en ligne et les médias associatifs, communautaires et confessionnels. Il est également question des ressources des entreprises de presse, notamment de l’aide financière publique et de la publicité.
Le troisième titre prend en compte les questions liées au droit du public à l’information. Il traite aussi de la question de droit de réponse et de droit de rectification. Enfin, le quatrième titre, avant le dernier qui reprend les dispositions finales, regroupe tout ce qui est de la responsabilité pénale, civile et professionnelle. Et prévoit enfin des sanctions.
Vous pouvez consulter ici l’intégralité de la nouvelle loi sur la presse :/sites/default/files/2023-05/nouvelle_loi_sur_la_presse.pdf
De la responsabilité pénale, civile et professionnelle des journalistes et autres professionnels des médias
La nouvelle loi a renforcé la responsabilité pénale des auteurs des publications et diffusions par voie des médias avec des poursuites devant les instances judiciaires et des sanctions prévues contre tout contrevenant de la loi.
Comme en droit congolais, la responsabilité pénale est individuelle, en matière d’atteinte à l’ordre public, au droit d’autrui et aux bonnes mœurs ; Seul l’auteur d’une publication ou d’une diffusion en répond devant les instances judiciaires.
Selon l’article 127 de la loi sur la presse, pour autant que leur mauvaise foi soit établie, le directeur de publication ou directeur des programmes, à défaut les imprimeurs ou afficheurs, les hébergeurs, les distributeurs ou les vendeurs des journaux à la criée sont considérés complices des infractions commises par voie de presse.
Conformément à l’article 138, est coupable des peines prévues par le code pénal congolais, celui qui se sera rendu coupable, par voie de presse, de la provocation directe aux atteintes à la personne humaine notamment le meurtre, l’assassinat, vol, viol, terrorisme, violence. L’apologie des crimes ainsi que l’incitation directe à la haine notamment tribale, religieuse, ethnique, raciale, par voie de presse sont aussi punies par cette nouvelle loi.
Elle dispose également que toute violation aux règles qu’elle prescrit en matière de publicité est punie d’amende fixée à l’article 122. La publicité à caractère violent, immoral, pornographique et illégal est aussi punie d’une amende allant de 100 à 200 fois le prix payé pour sa diffusion.
Condition d’accès au métier et délit de presse
Lors des états généraux de la communication et des médias, tenus du 25 au 28 janvier 2022, le chef de l’État Felix Antoine Tshisekedi avait recommandé plus de salubrité médiatique en RDC.
D’après Patrick Muyaya, ministre de la communication et des médias, la nouvelle loi marque donc le premier pas vers cette salubrité. N’est plus journaliste tout celui qui le voudra, la loi renforce les conditions d’accès à la profession.
L’article 3 défini qui est journaliste professionnel à son point 11 et qui est professionnel des médias au point 20. Par ailleurs, au regard de l’article 42 toute personne physique ou morale peut créer une entreprise de presse. Encore faudrait-il qu’il respecte la loi qui prévoit plusieurs conditions à son article 43.
Et le professeur Claude Mukeba, enseignant à l’Institut facultaire des sciences de l’information et de la communication, de s’en féliciter tout en mettant l’Etat devant ses responsabilités :
« Quand on renforce les conditions d’accès à la profession logiquement on va évacuer ce qu’on peut considérer comme des rébus. Ceux qui n’ont pas qualité ne peuvent pas venir on aura quand même résolu un petit problème en termes de salubrité. Quelle est au-delà du texte qui est présenté la capacité de l’état ou du pouvoir public de contraindre les gens à le faire dans un environnement où les médias sont créés tous les jours et par n’importe qui ».
Quant à ce qui concerne la question de la dépénalisation de délit de presse, la force est restée à la loi. Pour Cyrille Milandu, journaliste à radio Top Congo, la responsabilité incombe au journaliste.
« Quand on lit la presse en ligne, la presse écrite, l’audiovisuel, il y a toujours des dérapages. Je pense que nous devons être professionnels en respectant les règles de notre métier », a-t-il indiqué.
Et le CSAC est désormais là pour tout réguler.
Du contrat de travail
Le souci de faire de la salubrité médiatique en RDC, a mis également sur la place publique la situation sociale des journalistes. En effet, lors de son exposé devant le conseil des ministres, le 14 octobre 2022, Patrick Muyaya avait souligné la nécessité d’adjoindre à cette nouvelle loi, l’arsenal des textes devant régir la réforme du cadre légal et institutionnel du secteur de la communication et médias. C’est entre autres la loi sur l’accès à l’information et la loi sur le statut des journalistes œuvrant en RDC.
Cet arsenal n’étant pas encore effectif, le professeur Georges Jérémie Wawa, enseignant à l’Institut facultaire des sciences de l’information et de la communication, a estimé qu’entre-temps l’ancienne loi de 1981 portant statut des journalistes reste en vigueur.
En effet, cette loi impose la signature d’un contrat entre les journalistes et leurs employeurs.
« Ce n’est pas normal qu’au moment où nous voulons asseoir la démocratie chez nous, il y a encore des journalistes qui travaillent sans contrat et qui se résigne sans réclamer leur droit. Je décrie cette situation et j’en appelle à la prise de conscience de ces femmes et des ces hommes pour ne fût-ce que commencer à revendiquer ce que l’ordonnance loi N°81-012 du 02 avril 1981 portant statut des journalistes soit appliquée. C’est cette loi, cette ordonnance loi qui impose la signature d’un contrat entre l’employeur et l’employé. Et la loi de cette époque, elle est toujours en vigueur. D’ailleurs, elle est allée plus loin en imposant même un barème salarial pour les journalistes prestants en République Démocratique du Congo. Même s’il y a certains avantages qui peuvent être octroyés au journaliste cela ne signifie pas que ces avantages remplacent la rémunération précisément son salaire», a déploré Georges Jérémie Wawa.